L’interview de Rajesh Gautam réalisée par Sahra Leclerc pour le magazine Esprit Yoga a retenu notre attention car il parle d’une question qui nous tient à cœur : qu’est-ce que le yoga ? Pour cet enseignant de yoga indien, « le yoga n’est pas une question de bien-être, mais une question d’être ». Nous partageons ici quelques extraits de ses propos.
« Pour moi, le yoga c’est l’ensemble des branches du yoga pratiquées quotidiennement. Aujourd’hui, le yoga est surtout un loisir en Occident. On va à la salle de yoga et on pratique pendant une heure des asanas, quelques pranayamas et ensuite on reprend le cours de sa vie. Parfois on se prend même en photo. Cela ressemble plus à une pratique de santé, de bien-être. Or, le yoga n’est pas une question de bien-être, mais une investigation intérieure parfois inconfortable, une rencontre avec le vide. La pratique telle que je l’observe souvent en France reste en surface. Cela revient à essayer d’arroser les branches d’un arbre. Mais ce sont les racines qu’il faut arroser, il faut se diriger vers l’essence et il faut avoir le courage de le faire. (…)
C’est un abandon du mental et de tout ce qui s’y rattache. Il faut accepter de se vider de tout ce qui nous définit, et prendre une grande distance avec la personnalité incarnée, le moi. Dans la pratique du yoga, on peut même aller jusqu’à expérimenter intérieurement le dépassement de la nécessité de respirer. Même cela on peut finir par l’abandonner. (…)
On invite le sacré dans le quotidien. Pour moi, c’est cela le yoga. Il est impossible de le réduire à la gymnastique yogique que l’on pratique en France dans les salles. Le yoga ne nous quitte jamais vraiment, c’est une discipline de la conscience qui s’applique à chaque instant de la vie. (…)
Le premier bienfait du yoga est physique et c’est un peu un piège. Car, quand on expérimente ce confort physique, on s’y attache et on ne veut pas entrer dans les zones d’inconfort, inhérentes à la nature humaine. On en reste ainsi à ce premier bienfait avec l’illusion que l’on a progressé. On se sent mieux, on se sent plus vivant, plus détendu, mais c’est une relaxation de surface, en aucun cas cela signifie que l’on est plus spirituel, ou que l’on a élagué le superflu. En France, dans la plupart des cas, on recherche le bien-être sans aller vers la recherche de l’être. (…)
Le second piège de la pratique en France telle que je l’observe est une appropriation du yoga par l’égo. D’ailleurs, on voit beaucoup ce genre de méprise en parcourant les réseaux sociaux. Il y a une identité du yoga, avec un code vestimentaire, une attitude, des lieux auxquels on doit se rendre, des choses à manger etc. C’est un effet de mode. Quand on se prend en photo dans des postures difficiles pour montrer que l’on sait les faire, nous sommes très loin de l’esprit du yoga indien. On reste dans le fantasme, dans l’illusion. (…)
Si l’on pratique le yoga mais que l’on ne touche pas le vide intérieur, la conscience… alors ce n’est pas du yoga, c’est une pratique de bien-être. Le yoga nous conduit à vivre une absence de différenciation entre l’intérieur et l’extérieur. L’authenticité du yoga traditionnel indien peut toucher les pratiquants français qui en ont l’aspiration profonde. Mais il faut oser prendre du recul avec sa personnalité conditionnée et s’émanciper de la mode du yoga actuelle qui nourrit beaucoup l’égo. Recherchez moins le bien-être ! Cherchez l’être ! Même si cela implique des moments d’inconfort. Alors seulement vous serez sur le bon chemin. Namaste.
Vous pouvez lire la totalité de l’entretien sur le site d’Esprit Yoga et, petit clin d’oeil, il se retrouve juste à côté d’une couverture de magazine avec une femme en tenue moulante fluo faisant une posture difficile ce qui, selon l’auteur, n’est pas du yoga mais au contraire un piège de l’ego…